De la glace et de la neige à perte de vue. Un désert gelé qui s’étendait sur des kilomètres et des kilomètres. Pas de relief qui se distinguait dans ce paysage, juste un calme plat et silencieux. Les températures étaient bien en dessous du zéro, et la peau mourrait sitôt exposée à ce froid funeste. La vie était rude en ce temps et certains l’avaient bien compris. La petite bourgade de Tatanka abritait des pirates et c’était en partie grâce à eux qu’elle ne mourrait pas. Les commerçants fermaient les yeux sur les disputes qui éclataient au pub, sur les bordels qui ne désemplissaient pas et la population respectait un couvre feu qu’elle s’était elle-même imposée.
Le Gouverneur de la province tentait d’emprisonner et de condamner à mort un maximum de ces brigands qui pillaient sans état d’âme et coulaient sa flotte petit à petit. Les bourreaux avaient du travail et les cellules étaient pleines. Toutefois il serait bien imprudent de parier sur un faible effectif pour la communauté pirate. Ils étaient nombreux, sillonnant les mers et venus de contrées différentes. On comptait de multiples confréries au nom plus barbares les un que les autres qui se livraient bataille nuit et jour. Les contrées de Dauvdalen n’étaient guère plus sûres que les mers tant par son climat que par les malandrins qui s’y terraient pour cacher butins et trésors. Peu de troupiers sous les ordres du Gouverneur trouvaient le courage d’arpenter les terres à la recherche des pirates. Ils revenaient souvent effrayés et mutilés quand ce n’était pas leurs corps gelés que l’on retrouvait à la belle saison.
La population sortait peu par crainte de mourir frigorifier ou de tomber sur les malandrins ayant établi campement pour la nuit dans le port. Tous se plaignaient et semblaient apeurés et pourtant, un drôle de marché se cachaient derrière le dédain que les pirates provoquaient. Lors de leurs multiples voyages sur les eaux de l'océan, ils s'arrêtaient dans de nombreuses villes, sur des îles éloignées ou sur les continents. Certes ils pillaient et saccageaient tout mais ils emportaient aussi avec eux des cultures nouvelles, des fruits et des animaux différents que l'on ne rencontraient pas dans la région de Dauvdalen. Les plus riches habitants faisaient alors affaire avec les pirates pour trouver de quoi diversifier le diner ou décorer les murs de leurs habitations grâce aux textiles qu'ils ramenaient d'ailleurs. La monnaie n'était pas toujours nécessaire. Certains pirates encore moins scrupuleux acceptaient un paiement d'une toute autre nature. Chacun savait dans la petite ville de Tatanka mais personne n'aurait eu le courage de l'avouer. Surtout quand les intimes du Gouverneur faisaient aussi affaire...
On avait appris à vivre ainsi, plaçant sa confiance dans l’autorité du Gouverneur et dénonçant les brigands pour qu'ils payent à notre place. Qu’ils soient pendus sur la place publique, voilà ce que recherchait le peuple. Peu importe qui était accroché en trophée devant tant de yeux coléreux, le peuple se satisfaisait de ce divertissement pervers et morbide et le Gouverneur pouvait conserver sa place et ses privilèges. La vie à Tatanka n'était pas des plus tendres et les pirates l'avaient bien compris. S'ils étaient pris pour cible par le vicaire et ses troupiers, ils avaient leur revanche auprès des autres populations moins disciplinées qui ne les trahissaient pas une fois l'affaire conclue. L'océan était leur allié, la surprise leur arme. Il n'y avait pas de véritable justice à Dauvdalen, seulement une roue qui tourne et tourne encore.